Directrice artistique, autrice et éditrice.
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Résidence - Latitude Blanche

 

Latitude Blanche

Norvège - Marseille, 2018-2019

Organisation d’une résidence de l’artiste Elsa Guillaume à bord du navire Polar Front - navire affrété par Latitude Blanche - pour une expédition en mer dans le Grand Nord Norvégien.

Une exposition au sein de la galerie Catherine Bastide, à Marseille, a ensuite été organisée par Piece A Part en 2019, réunissant les travaux d’Elsa effectués suite à ses deux résidences sur Polar Front (2018), et sur la goélette Tara (2015).

›  Direction artistique et production culturelle

›  Sensibilisation aux enjeux de préservation de l’environnement

›  Dresser des ponts entre l’art et l’écologie


“ Bien plus qu’une exposition, Amphibie est une histoire de rencontres, d’aventures vécues et de rêves partagés. Depuis les hautes latitudes du grand nord norvégien, jusqu’aux îles éclatantes de Grèce, en passant par les flots grouillants du Pacifique, Elsa Guillaume et Hortense Le Calvez nous rapportent un ensemble d’oeuvres fantasmagoriques. La salle d’exposition devient alors le territoire de «mondes nouveaux», hors du temps : les espèces s’hybrident, des fictions aquatiques se dessinent, formulant les hypothèses d’une évolution de l’anthropocène. Céramiques, vidéos, carnets de voyages et installations composent un ensemble poétique invitant à la réflexion. Leur trait d’union ? La navigation. «Le sillage est le fil d’un collier de perles éperdues.» Et nos équipières voguent entre les débris d’un monde à reconstituer.

Septembre 2015, le prix COAL Art & Environnement rassemble au Musée de la Chasse de Paris 6 artistes présélectionnés pour embarquer à bord de Tara, goélette scientifique parcourant les océans, affrétée par la Fondation agnès b.

Parmi eux, deux jeunes filles, plongeuses professionnelles passionnées par la fantasmagorie des fonds marins : Elsa Guillaume et Hortense Le Galvez. Si à l’issue de la soirée, Elsa remporte le Prix convoité et embarque pour le Pacifique, les liens qui se sont noués ce soir perdurent, tout comme l’envie de collaborer un jour.

C’est deux ans plus tard qu’Hortense invite Elsa en résidence sur son bateau-studio nommé Forlane 6, basé en Grèce sur l’île de Poros. Trois semaines passées à arpenter les terres et les flots, perceuse dans une main, spinacopita dans l'autre.

De leurs discussions animées sur l’écologie, l’éco-anxiété et l’anthropocène, surgit une machine volante sous-marine évoquant les premières inventions incongrues qui ont permis aux hommes de découvrir les fonds marins. « Il est vrai que nous collectionnons toutes les deux photographies et gravures d’époque qui tracent les balbutiements de ces découvertes fantasques. »

 On ne s’étonnera pas de retrouver dans cette exposition ces palmes-nageoires hybrides, ou cette machine infernale en bois qui permet de voler sous l’eau : l’anthropocène, ses exploits et ses aberrations, ont inspiré à ces deux artistes tout un imaginaire autour du travestissement pensé par l’Homme pour dompter l’inconnu, les milieux inadaptés, l’environnement tout entier finalement.

Hortense Le Cavez nous rappelle les limites de cette curiosité insatiable, évoquant à travers sa performance « How not to melt you winds » à la fois de la « bunkérisation des élites » et la chute du mythe d’Icare qui se retrouvera au fond de l’eau après que ses ailes aient fondues. Jusqu’où nous poussera l’éco-anxiété grandissante de nos sociétés ?

De ses interrogations sur l’issue des bouleversements climatiques actuels résulte également une installation in situ submergée pendant un été sur l’ile d’Hydra, une histoire de graines à la dérive mise en scène dans sa vidéo intitulée Desoriented : « Les palmiers qui s’élèvent sur des îles, auparavant vierges, sont souvent le résultat de noix de coco qui après une longue errance en mer, parviennent à s’échouer et pousser sur un morceau de terre. Avec l’élévation du niveau de la mer et la disparition de nombreux atolls et îlots, ces dernières seraient dans l’incapacité de s’ancrer sur du sable sec. » Avec son binôme Forlane 6, elle rêve une alternative où la plante parviendrait, pour survivre, à s’installer dans les profondeurs. « Reprenant le langage des cartes de prévision météorologique, les flèches représentent à la fois la direction et force des courants marins et/ou des vents. Elles indiquent dans l’installation les mouvements climatiques instables auxquels ont été soumis les palmiers. »

Elsa, quant à elle, nous rapporte de ses voyages au Japon des sculptures en céramique entre rêverie et cruauté, comme autant d’ailerons et nageoires tranchées net dans la chair, dénonçant, avec splendeur et légèreté, la pêche abusive des espèces sous-marines.

D’autres explorations, comme ses traversées sur Tara dans le Pacifique, ou sur l’ancien bateau météorologique Polarfront, dans le Grand Nord Norvégien, lui ont inspiré à l’inverse des cartographies de mondes merveilleux où poissons et crustacées dansent avec l’Homme, dans une harmonie utopique aux allures de contes. 

La suite de ces explorations ? « Un nouveau projet collaboratif ambitieux, manifeste positif pour l'océan et contre le plastique qui s'y déverse sans cesse : ce serait une vidéo réalisée avec Alex Voyer et Marianne Aventurier, apnéistes et photographes sous-marins basés sur leur voilier dans les Caraïbes. Il s'agirait de faire un carnaval planctonique subaquatique! Une vidéo plus optimiste qu’alarmiste renvoyant un message écologique impactant. » On ne s’étonnera pas de l’excitation et la poésie qui nous envahissent à l’idée de plonger encore une fois dans les mondes inédits d’Hortense Le Calvez et Elsa Guillaume, à la fois familiers et inquiétants, réels et fantastiques, utopiques et menaçants.”

Texte d’Emmanuelle Oddo