Directrice artistique, autrice et éditrice.
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Théo Mercier - The Thrill Is Gone

Papier publié dans Point Contemporain le 23 octobre 2016

Exposition de Théo Mercier au MAC de Marseille, dans le cadre du Festival Actoral. Exposition visible jusqu’au 29 janvier 2017.


Ne me quitte pas / I will survive. En arrivant devant l’entrée du MAC, déjà ces deux inscriptions qu’à priori tout oppose, excepté la typographie - et la nostalgie -, annoncent le climat de tension dans lequel l’exposition s’apprête à nous plonger.

Dans ce white cube isolé, Théo Mercier a battit son terrain de bataille. Une bataille de civilisation, de mémoire voire d’histoire de l’art. Sanglante et harmonieuse.

Dans la première des quatre salles sur lesquelles il déploie sa mise en scène, des totems dansant et précaires s’articulent entre vestiges du passé et objets contemporains, ne manquant pas d’accuser une dichotomie qui ressurgit également de ses pastiches antiques sur fond pop. Ainsi il réconcilie passé et présent, puis redistribue les cartes, mettant à nouveau à l’épreuve du temps la résultante d’une telle unité recouvrée.

Pourtant la chute est certaine. La pureté des colonnes quasi-brancusiennes émane d’une ascension aussi gracieuse que fragile, et les éléments en suspens, comme autant de récits, sont prêts à basculer.

C’est bien là que veut nous emmener l’artiste : si tout cela n’était qu’oubli ou autodestruction… le sombre théâtre d’un pillage d’une guerre des civilisations, ou le visage douloureux d’une obsolescence symptomatique de notre société, qui consiste justement à ériger pour détruire ?

Ici, à l’image de notre génération, les vestiges n’ont pas d’époque. Les fossiles archéologiques sont contenus dans des pneumatiques qui accélèrent froidement la roue du temps. Les squelettes de masques de baseball prennent des airs d’armures ancestrales, face à une skyline menaçante de ranges-disques. Autant de ready-made qui célèbrent un geste duchampien quant à lui centenaire; 

De ce terrain de jeu en proie à la désolation, surgit pourtant le sentiment que le temps s’est arrêté, voire qu’il n’a jamais été exactement celui que l’on croyait. Comme si les musées n’avaient témoigné que de ce qu’ils voulaient bien nous montrer : une histoire de l’art qui aurait pu être autre.

On parcourt l’exposition, fasciné et contemplatif, avec la naïveté de celui qui découvre un nouveau monde. Car plus que de dénoncer ou ressusciter l’oubli, Théo Mercier redéfini finalement un nouvel espace-temps, rendant vétuste le récent et contemporaines les reliques d’un passé lointain. Alors il écrit une nouvelle épopée : celle, fantasmée, qui manquait à notre époque sans époque, une époque sans frisson.

ArtEmmanuelle Oddo